Dès 2017 aux premiers jours de mon mandat je me suis penché très sérieusement sur la fusion entre l’Hôpital des armées R.Picqué et la clinique de la fondation protestante Bagatelle, projet engagé déjà depuis 2014 et nommé BAHIA.
Le contrat, établi sous le contrôle de l’Agence Régionale de Santé (ARS), faisait l’objet de la plus grande discrétion voire même de toute l’opacité dont les parties prenantes savent faire preuve pour évincer tout contrôle démocratique sur l’utilisation de notre argent et surtout sur l’avenir des soins sur le secteur.
Aujourd’hui, en 2025, à la faveur d’une communication alarmiste de la fondation Bagatelle sur le retrait annoncé (depuis mi-2023) du ministère des armées de ce groupement de coopération sanitaire à compter de 2026, voici qu’un nouveau « rebondissement » alimente l’actualité. Il s’agirait, d’après la fondation, d’un risque imminent d’effondrement financier de l’établissement de santé faute du versement de tout l’argent public qui lui était promis sur les 20 ans à venir.
Par ailleurs les habitants pourraient être privés dès maintenant d’Urgences ouvertes la nuit.
Cela donne à ce jour un relief particulier aux certitudes affichées depuis le départ par les acteurs du dossier, malgré les évidences, malgré les alertes.
Chronique d’une catastrophe annoncée
A force de persévérance et de démarches administratives j’ai réussi à obtenir et réunir un certain nombre de pièces de ce dossier, dont les fameux accords et contrats qui ont été transmis passablement caviardés par l’Agence Régionale de Santé (ARS) : pages manquantes, rapports tronqués, chiffres escamotés.
Pour autant ces éléments rassemblés pendant près de 18 mois (en 2017-2018) et 8 ans de suivi de ce dossier dans le détail m’ont permis de pointer avec constance un certain nombre de fragilités, d’alerter sur les risques devenus réalités aujourd’hui. J’ai pris des positions très claires sur la préservation de l’offre de soins qui aujourd’hui trouvent un écho singulier.
Tout d’abord sur le registre politique, comme élu résolument de gauche, j’ai toujours affirmé que la priorité de l’argent public devait être de financer une structure de soins publique, pas de financer l’augmentation du patrimoine immobilier d’une structure privée, quand bien même fut-elle (pour le moment?) non lucrative. Une évidence quand l’ARS parle aujourd’hui de jusqu’à 60 millions € d’argent public engagés dans le projet Bagatelle, mais ne contrôle pas l’utilisation faite des deniers publics.
Ensuite sur le plan sanitaire, l’analyse de cette fusion laissait peu de doute sur la perte de spécialités médicales, la perte de lits d’hospitalisation, la diminution du personnel ou encore l’impossibilité d’opérer 40 000 urgences/an sur le site de Bagatelle même rénové. La gestion du COVID en fut aussi un révélateur, l’hôpital R.Picqué étant le seul à avoir créé des places de réanimation dans cette période.
Enfin le plus évident était la fragilité financière de ce mariage de la carpe et du lapin, entre une clinique privée endettée et un hôpital militaire en voie de fermeture. Contrairement aux déclarations de 2019 sur « l’entièreté des risques financiers portés par la fondation Bagatelle », c’était bien une aubaine pour capter a minima 30 millions d’euros d’argent public en 20 ans, sous forme d’un « loyer » annuel de 1,2 millions et une somme de 6 millions pour amorcer la convergence et la compatibilité des systèmes de gestion des 2 établissements. L’aubaine était aussi celle de pouvoir accéder à des emprunts (+-24 Millions €) grâce à la caution des collectivités locales quand les banques refusaient de suivre la fondation Bagatelle.
Il était pourtant possible (souhaitable ?) de faire autrement comme je l’ai plaidé auprès des ministères concernés (Armées et Santé) mais aussi auprès de l’ARS et des élus locaux.
Il s’agissait simplement de renforcer la coopération sanitaire entre les 2 structures tout en transférant la tutelle de l’hôpital R.Picqué du ministère des armées, qui voulait se désengager, vers celui de la Santé.
J’ai organisé la contribution de milliers d’habitants à l’enquête publique dont la commissaire enquêtrice rendra d’ailleurs un avis défavorable au projet BAHIA et j’ai produit un contre-projet (en 2020, actualisé en 2022, disponible ici) qui fait référence. La crise COVID a par ailleurs conforté ma proposition de maintien d’une structure publique sur le site de robert Picqué.
Rien n’y a fait, mes positions et propositions pour une coopération maintenue furent systématiquement moquées malgré les évidences, alors que les arguments en réponse étaient d’une faiblesse pathétique et les conflits d’intérêts avérés.
Aujourd’hui les aveux de cette inconséquence généralisée sont criants. Ils s’égrainent au fil des articles de presse ou des déclarations publiques. Les déclarations des responsables de cette situation ré-écrivent l’histoire et tentent de se dédouaner de leurs erreurs manifestes d’appréciation.
Florilège
– Soutien aveugle à une structure qui menace de s’effondrer comme un château de carte par des élus qui ont poussé les collectivités locales à garantir les emprunts quand aucune banque ne voulait prêter à Bagatelle (cf le courrier des parlementaires du PS adressé ce mois de juin 2025 au 1er ministre faisant état de 24 millions d’€ de prêts garantis par Bordeaux Métropole, le Département, la Région). Il est bien tant de s’en apercevoir, quand on joue avec l’argent des contribuables. Ils poussent même l’audace jusqu’à réclamer aujourd’hui le versement cash des 20 ans de loyers, à lire ici en restant bien assis !
– inconséquence quand dans cet article le Président du CA de Bagatelle avoue qu’il ne saura pas gérer les urgences sans boire la tasse budgétaire (« On a perdu énormément d’argent en reprenant les urgences. C’est un gouffre qui ne peut être à la seule charge de Bagatelle. » ), lui qui vantait ici, main sur le cœur, l’excellence de son projet soit disant entièrement financé par la fondation.
– situation financière en déficit chronique avant même le désengagement (contractuel) du ministère des Armées et sous-estimation majeure du coût des travaux à 90 millions €- au lieu des 130 millions a € au final, gestion chaotique abordée dans cet article de presse.
– enfin une instrumentalisation par la direction d’un chantage à la préservation des emplois alors que la gestion des ressources humaines est sévèrement pointée par le syndicat CGT des personnels de Bagatelle ( Communiqué de presse CGT du 26/06/2025). Par ailleurs le témoignage de soignants que j’ai pu recueillir est édifiant sur les conditions de travail qui sont imposées aux personnels, la pression et le chantage à l’emploi utilisés comme méthodes de management.
Suite de la chronique, après des échanges mi-juillet avec les services de l’État
J’ai participé le 16 juillet 2025 à la présentation publique du futur Hôpital Spécialisé des Armées (HSA) Robert Picqué, en présence de hauts représentants du ministère des armées. Le projet qui nous a été présenté doit répondre à la nouvelle feuille de route donnée par le ministère, dans un contexte géopolitique incertain.
La question du désengagement du projet Bahia a bien entendu été posée, et les réponses très claires :
1. Ce désengagement était possible contractuellement, écrit noir sur blanc
2. Annoncé par le ministère des Armées en 2023 il est accompagné jusqu’en 2027 par la mise à disposition de moyens y compris humains
3. La conciliation en cours sur le montant de la compensation financière annoncée pour l’instant à 3,5 Millions € sera connue fin juillet
Voilà qui remet du factuel dans les annonces et reproches portés par voie de presse.
Mes échanges avec les représentants des services de l’État concernés confirment par ailleurs que le soi-disant « désengagement de l’État » de BAHIA c’est 38 millions d’€ abondés à la construction du nouveau bâtiment de Bagatelle, un déficit structurel comblé chaque année dont récemment 2,5 Millions € versés en 2024, 5 millions € en 2025 et un plan de retour à l’équilibre avec encore 1 million €/an pendant 5 ans.
Un « désengagement » à + de 45 millions d’€ c’est assez singulier !
Enfin à tous ceux qui m’attaquent courageusement sur les réseaux sociaux je n’ai pas souvenir qu’ils aient poussé la porte de ma permanence pour démentir mes arguments ou mes chiffres (tous sourcés) alors qu’ils sont nombreux à patauger dans des conflits d’intérêts dans ce dossier. Pour ma part je n’ai de lien avec aucune des parties prenantes, je ne poursuis qu’un seul objectif depuis le début : que l’argent des contribuables serve une offre de soins à la hauteur des besoins des habitant-es du territoire. Je crois qu’à l’heure où les urgences sont maintenant fermées la nuit et que le service de réanimation à déjà été fermé mes exigences ne sont pas extravagantes.
Mes propositions pour garantir l’offre de soins, préserver emplois et compétences :
-
L’engagement administratif et financier de l’État pour garantir l’offre de soins aux + de 200 000 habitant-es du secteur, un contrôle effectif par l’ARS de l’utilisation de l’argent public
-
Un audit financier et social externe pour connaître la situation financière et l’offre sanitaire exactes de la fondation Bagatelle et pour garantir la pérennité des emplois
-
La publication de ses comptes des 5 dernières années, visés par un commissaire au comptes, pour s’affranchir des déclarations orientées volontairement catastrophistes
-
Le conditionnement du versement d’argent public à un droit de regard sur la gestion de la clinique et son maintien non négociable en secteur 1
-
L’assurance que les urgences ne soient pas fermées la nuit cet été
Si ces conditions ne sont pas réunies alors le ministère de la Santé doit reprendre la dette et la propriété de l’établissement pour assurer la continuité de l’offre de soin sur ce bassin de + de 200 000 habitant-es.