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Publié le : 26.08.2025 | · ·

Censure partielle de la loi Duplomb : la mobilisation continue !


Censure partielle de la loi Duplomb : un « camouflet » très relatif pour l’agriculture industrielle

En ne permettant pas la réintroduction de néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeilles, le Conseil constitutionnel permet de se rappeler que les betteraviers nous ont déjà fait le coup de la dérogation temporaire en 2020 : juste 3 ans et, promis la main sur le cœur ces 3 années suffiraient à l’ITB (Institut technique de la betterave) pour trouver des alternatives aux pesticides tueurs d’abeilles… Pourtant déjà à ce moment là je défendais que des pratiques culturales différentes permettait de se passer du pire de la chimie des pesticides (la preuve ici ) . Ces dérogations ont par ailleurs été jugées illégales a posteriori par le Conseil constitutionnel en mai 2023 !

Quant à la filière noisette (7900 ha et environ 350 agriculteurs) qui se trouve dans une « impasse » face à la punaise diabolique ce n’est pas non plus le fruit du hasard. La filière s’est fortement développée ces dernières années notamment dans le Lot et Garonne sur un modèle industriel avec des parcelles de plusieurs centaines d’hectares offrant ainsi à la fameuse punaise diabolique un environnement propice à un développement illimité. Et au prétexte de concurrence avec la Turquie qui produit environ 80 % du marché mondial de noisettes (soit environ 50 fois + que la France) il faudrait utiliser aussi des pesticides plutôt que de mettre en place un protectionnisme pour protéger notre filière nationale, et l’envisager agronomiquement d’une autre manière. Quoiqu’il en soit les 8000 ha de noisettes françaises ne justifiaient pas une dérogation sur 500 000 ha.

Enfin sur les normes environnementales et les pesticides c’est à grands cris que les syndicats productivistes dénoncent les « surtranspositions » françaises mettant à mal notre « compétitivité » face aux pays européens moins exigeants. Là encore rien de factuel puisque notre pays est toujours dans le top 3 des pays autorisant le plus grand nombre de pesticides (environ 290) en Europe derrière la Grèce et l’Espagne, on ne peut pas dire que la France face du zèle dans l’application du règlement européen 1107/2009 (règlement d’application directe Mme la Ministre Genevard !)

Mais au-delà de cet article censuré reste le cœur de cette loi pensée pour l’agriculture industrielle contre l’agriculture familiale et paysanne.

 

Il suffit de regarder l’assouplissement obtenu pour les élevages sur le régime des ICPE : il concerne 65 élevages bovins industriels sur les 63000 de la filière que compte la France. Il y a donc 62935 perdants pour faire plaisir aux quelques amis d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et PDG de la multinationale Avril-Sofiproteol.

Même chose sur la facilitation de l’installation de méga-bassines d’irrigation, pourtant régulièrement jugées illégales ces derniers mois. Il en résulte un accaparement de la ressource par quelques uns, grands producteurs céréaliers (et exportateurs) au détriment du plus grand nombre des agriculteurs, mais aussi au détriment de l’environnement (comme dans le cas des ICPE). Tout cela sans aucune incidence sur la sacro-sainte souveraineté alimentaire puisque le maïs qui est majoritairement produit avec l’aide de ces méga-bassines part à l’exportation.

Voilà donc une loi qui finalement poursuit sans beaucoup d’entraves la trajectoire d’industrialisation d’une agriculture française co-gérée par la FNSEA et le ministère depuis plus d’un demi-siècle avec le résultat que l’on connaît : la perte de plusieurs millions de fermes et d’actifs agricoles en quelques décennies, de 1,6 millions d’agriculteurs à l’orée des années 1980 à 410 000 aujourd’hui.

 

Ceux-là mêmes qui sont les porteurs et les promoteurs de la loi Duplomb (sénateurs et ancien dirigeant FNSEA) ont aussi travaillé sans relâche à la libéralisation de notre agriculture via la suppression de tous les mécanismes de protectionnisme qui existaient jusque au début des années 90 et viennent maintenant brandir l’argument de la concurrence déloyale (cf les noisettes turques …) pour masquer que cette stratégie a laminé le revenu de la majorité de nos agriculteurs et agricultrices.

Continuer à soutenir ce modèle est donc l’assurance pour les agriculteurs familiaux d’œuvrer à leur propre disparition au profit d’une agriculture industrielle qui se satisfera fort bien de 50 000 fermes usines !

 

Plutôt que de menacer les élus et vandaliser des permanences parlementaires, de lyncher médiatiquement l’OFB (Office français pour la biodiversité) et menacer physiquement ses agents alors qu’une ferme sera contrôlée en moyenne 1 fois/100ans (!) il me semble que leur énergie contestataire serait mieux employée à aller demander des comptes à Arnaud Rousseau, à la directions de la FNSEA et du groupe AVRIL-Sofiprotéol et ses quelques amis qui vont encore se faire de l’argent sur leur dos, et sur le notre dans la mesure ou le secteur perçoit quelques 20 milliards d’argent public.

Par ailleurs dire cela ce n’est pas nier les difficultés de cette majorité silencieuse et notamment la complexité croissante et souvent kafkaïenne des procédures administratives auxquelles ils sont soumis.

 

Et ce n’est pas une question de surenchère normative ni du contrôle de l’OFB une fois par siècle mais plutôt de coordination des administrations gestionnaires. J’en veux pour exemple mes échanges récents avec une agricultrice (bio) récemment installée en montagne : plus de 18 mois pour espérer percevoir enfin une subvention accordée sur dossier début 2024 après un premier contrôle sur place de la chambre d’agriculture locale, puis 6 mois plus tard un second contrôle de la Région pour le même objet … En attendant les banques se réjouissent de faire des prêts relais pour la trésorerie en attendant le versement promis. Alors s’il y a bien des choses qui marchent sur la tête ce n’est pas les panneaux de nos villages qu’il faut retourner pour enfin se poser les bonnes questions.


Après les 2 millions de signataires sur la pétition contre cette #LoiPesticides initiée par Eleonore Pattery, et malgré sa censure partielle par le conseil constitutionnel, il est inconcevable que ce texte dangereux et adopté dans des conditions indignes soit appliqué sans délibération à l’assemblée. Le groupe parlementaire LFI-NFP a annoncé qu’il déposera dans sa future niche parlementaire une proposition pour abroger ce texte anachronique.

 

Je poursuivrai ma mobilisation aux cotés de mon groupe pour protéger notre santé environnementale et opérer la transition vers un modèle de production alimentaire avec des agriculteurs·es nombreux·ses, qui nous nourrissent en protégeant le vivant et en bénéficiant enfin d’un revenu digne.



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