Par la décision de réduire les aides à l’agriculture bio au milieu de l’été 2017, le quinquennat Macron avait déjà bien mal commencé. Je m’étais opposé clairement à cette mesure, injuste et finalement révélatrice, en interpellant à l’Assemblée nationale Stéphane Travert, ministre de l’Agricultre qui s’inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs avec la bénédiction de la FNSEA et des grands lobbies de l’alimentation et de la distribution.
La prétendue montagne du grand barnum des États généraux de l’alimentation (EGA) a accouché d’une souris : le projet de loi du gouvernement qui va bientôt être examiné au Parlement pour être voté au début de l’été.
Bien avant que ne commencent les discussions, j’ai taché de travailler sur le sujet en échangeant avec des acteurs du secteur et en allant à leur rencontre dans le Loiret, dans le Périgord ou au Salon de l’agriculture. L’occasion de comprendre que les alternatives déjà existent et n’attendent qu’à être rapidement développées pour être mis au service de tous : consommateurs comme producteurs.
Je n’ai pas hésité une seconde à répondre favorablement aux groupes d’appuis de Bourrou et Bergerac en Dordogne, premier département bio de France. Dans la ferme de Ribeyrolles, j’ai observé le travail d’un agriculteur qui cultive ses 69 hectares en bio depuis 25 ans en alliant les cultures et sélectionnant les semences avec l’association AgroBio Périgord.
Ils valorisent en priorité des plants résistants à la sécheresse pour, à leur niveau, limiter leur consommation d’eau dans une région qui connait chaque été des épisodes de stress hydriques extrême et les restrictions d’usages qui s’en suivent. Le rapport de la mission d’information parlementaire que je mène sur l’état de la ressource montrera le défi de la rareté de l’eau, pour demain mais aussi pour aujourd’hui !
Formidable foisonnement d’initiatives dans le Périgord ! Celles-ci vont des circuits courts et des exploitations à taille humaine au respect de l’animal jusqu’à sa mort avec les militants de l’abattage à la ferme, en passant par la bière 100 % locale dont les brasseurs maitrisent toute la chaine de production et de transformation de A à Z.
Et tout cela sans rien enlever aux plaisirs de la table, même en restauration collective. C’est ce que m’ont montré les membres du collectif Les pieds dans le plat qui préparent quotidiennement des menus à base de produits bio, issus de l’agriculture locale et raisonnée sur lesquels les enfants se jettent volontiers. Voilà une manière de mettre à profit les temps éducatifs à part entière que constituent les repas.
Je visitais à la fin du mois de février, à l’invitation de Jérôme Schmitt et des insoumis locaux, du Loiret d’une exploitation originale : celle d’un paysan-boulanger ! 24 hectares de céréales exploitées sans pesticides, transformées directement sur place et vendues quotidiennement pour le grand bonheur des habitants. Ce fut la preuve, par l’exemple, que le modèle vertueux que j’appelle de mes vœux permet à deux personnes de vivre correctement de leur travail. Cela alors même qu’il n’est plus besoin de prouver que la fuite en avant vers le productivisme et le gigantisme, qui ne date pas d’aujourd’hui mais du remembrement et de la PAC, réduit les agriculteurs à la pauvreté. Près d’un agriculteur sur trois vit avec moins de 350 euros par mois. Tout ça ne peut plus durer et il faudra passer très vite à autre chose.
J’ai passé la journée du 28 février au Salon de l’agriculture avec plusieurs députés du groupe parlementaire de La France Insoumise.
Première organisation à nous recevoir, la Confédération paysanne avec laquelle nous partageons nombre de combats pour une transformation plus juste et durable de notre modèle agricole. La matinée s’est poursuivie auprès des producteurs indépendants, vignerons et brasseurs, dans une ambiance conviviale.
Plusieurs organisations avec lesquelles la FI affiche pourtant quelques divergences nous ont réservé un accueil plus que constructif. Nous avons abordé avec eux plusieurs sujets d’urgence, dont la catastrophe à venir de l’accord avec le Mercosur avec les représentants de la filière bovine et le problème de la fixation des prix avec les Jeunes Agriculteurs.
L’après-midi a été l’occasion de rencontrer plusieurs institutionnels. Nous avons d’abord parlé de maitrise du foncier avec la SAFER. Puis, avec la Mutualité sociale agricole (MSA), des retraites des agriculteurs que le gouvernement a refusé de revaloriser en s’opposant au Sénat à la proposition Chassaigne de les porter à 85 % (987 euros contre 871 aujourd’hui) du SMIC, pourtant adoptée par les députés.
La journée s’est terminée à l’endroit où elle avait commencé. J’étais invité à intervenir lors d’un débat sur la défense de l’enseignement agricole public organisé par le syndicat enseignant Snetap-FSU et la Confédération paysanne. Transformer notre modèle agricole passera par changer son système de formation, en y généralisant l’apprentissage des pratiques bio et raisonnées et en démocratisant sa gouvernance. Un peu plus tôt, j’allais visiter les stands de l’Irstea et de mes anciens collègues de l’Inra pour leur dire que la recherche aura aussi un rôle central à jouer.
Face au gouvernement et à sa majorité qui se font les défenseurs des lobbies et de l’immobilisme, je bataillerai avec mes collègues LFI pour faire reconnaitre l’urgence de changer notre modèle. La transition écologique et sociale passe par la transition agricole qui jettera aux oubliettes les pratiques industrielles et consuméristes intenables du passé.
Je porterai cet engagement au cours des discussions sur le projet de loi issu des EGA au printemps et pendant la commission d’enquête sur la malbouffe que je présiderai.
L’urgence se résume en quelques mots, simples : le retour au bon sens paysan.