Assemblée nationale

Loi sécurité globale ou la dérive securitaire

Par Loïc Prud'homme 21 novembre 2020
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crédit photo reporterre.net

Mardi 17 novembre dernier en début de soirée j’étais aux côtés des manifestants contre la proposition de loi déposée par Agir et La République en Marche (et plus particulièrement par l’ancien patron du Raid Jean-Michel Fauvergue) dite “Loi sécurité globale”. Puis j'ai rejoins l’hémicycle de l'Assemblée nationale pour l'étude de ce même texte de 21h à 23h45 et le lendemain mercredi 18 novembre de 15h45 à 22h30, laissant mes collègues assurer la suite des débats (jusqu'à 2h du matin), ayant mon train à 6h30 le lendemain pour rentrer en circonscription

Des députés en manif et dans l'hémicycle, il faut au moins cela pour contrer cette loi sécuritaire. Cette proposition de loi nous inquiète beaucoup d’un point de vue de la conservation des libertés et de l’égalité des citoyens face aux forces de l’ordre. Le Gouvernement profite en effet d’une proposition de loi de la majorité pour y glisser des amendements aussi autoritaristes que dangereux, évitant alors soigneusement de remettre une étude d’impact comme les députés doivent le faire lorsqu’ils proposent une loi.

en manif avant d'entamer les débats dans l'hémicycle quelques heures plus tard.

Vers la fin du droit à documenter les actions des forces de l'ordre?

Ce qui semble d’emblée le plus problématique dans cette proposition de loi est l’article 24. >“Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.” Si le fait de filmer n’est pas textuellement interdit, car il contreviendrait au principe inscrit dans la Constitution (art 15) “La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration” dont les policiers font partie, cet article appel notre vigilance. L’interprétation très large qui peut être faite de l’article 24 reste un danger pour la liberté d’expression permettant notamment de documenter des pratiques irrégulières dissimulées par le Ministère de l’Intérieur. Il est aussi la porte ouverte à une dérive autoritaire qui à terme viseraient une interdiction totale de filmer. Cela est très inquiétant car nous savons tous à quel point même quand il y a à l’appui des vidéos, des messages audios, il est difficile pour les citoyens de faire valoir leur droit face à des actes violents. Empêcher de filmer c’est faire disparaître aux yeux du monde la répression parfois violentes et disproportionnées menées contre les étudiants, les manifestants, les gilets jaunes, les grévistes… Empêcher de filmer c’est faire passer encore un peu plus sous les radars des techniques odieuses qui mutilent et qui sont parfois fatales comme pour Cédric Chouviat arrêté le 3 janvier 2020 et décédé 2 jours plus tard. Ces mesures ont aussi pour objectif de restreindre le droit des journalistes et la liberté de la presse, piliers de la liberté d’expression dont nous avons tant parlé ces derniers temps.

La confusion des Polices

Une autre disposition du texte concerne les droits des policiers municipaux. Cette police a été à l’origine créée dans un but de proximité et de création de lien avec le terrain sur lequel elle agit - à chacun de juger si ce dernier a été accompli - et ne répond pas aux mêmes objectifs que la police nationale qui a d’ailleurs une formation différente. Confondre les deux semblent être une solution de dernier recours pour le Gouvernement qui ne cessent de faire des coupes budgétaires dans les fonctions les plus régaliennes de l’État et menant des politiques sécuritaristes précaires. Le résultat est celui que nous connaissons tous, la violence augmente et dire que les techniques de maintien de l’ordre sont inadaptées est un euphémisme. Le recours croissant aux agents privés suit cette même logique : engager à bas coût du personnel précarisé, mal formé pour exécuter sur le terrain avec la violence que nous connaissons la politique autoritaire du Gouvernement. Cette loi tend aussi à augmenter la confusion entre armée et police. L’armée n’a pas à surveiller les manifestants avec des drones, elle a ses propres prérogatives. Ce sont par ailleurs des dispositifs aussi inutiles que coûteux que le contribuable n’a pas à assumer. Confondre armées et police c’est aller vers un nivellement par le haut de la violence quotidienne et une banalisation de cette dernière

Une opposition massive à ce texte

Avec le groupe parlementaire de la France Insoumise nous rejetons bien entendu cette proposition de loi comme vous l’avez compris. Nous savons que nous ne sommes pas la seule opposition à ce texte. J'ai reçu des centaines (littéralement) de courriels dénonçant cette loi. L’autoritarisme s’installe peu à peu au sommet de l’État et Emmanuel Macron se sert de la situation sanitaire pour faire passer des lois aussi liberticides que dangereuses en urgence et en catimini.

Même en temps de crise -et surtout en temps de crise - la démocratie ne doit en aucun cas être mise en pause.

Loïc Prud'homme est député France Insoumise de la Gironde pour les communes de Bègles, Bordeaux Sud, Talence et Villenave-d'Ornon. Résolument engagé en faveur de la règle verte et de la transition écologique de notre société il siège à l'Assemblée nationale au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Retrouvez sur ce site internet son travail dans l'hémicycle et en circonscription en faveur des services publics, de l'emploi local, de la justice sociale et de la transition écologique.

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