Assemblée nationale

Loi d'orientation agricole et agriculture française : pour qui sonne le glas ?

Par Loïc Prud'homme 13 mai 2024
Image de l'article

Notre agriculture est à la croisée des chemins, après 70 ans d'une trajectoire de mécanisation et d'utilisation intensive d'intrants chimiques, engrais et pesticides, pour satisfaire à la volonté politique de libérer de la main d’œuvre de nos campagnes tout en accroissant les rendements. Ce projet, porté par le ministre Edgard Pisani en 1963 et connu sous le nom de "Plan Pisani", a conditionné jusqu'à aujourd'hui l'orientation des budgets nationaux dédiés et ceux de la PAC et le cadre législatif et réglementaire, accentuant la libéralisation de ce secteur (notamment après l'abandon de toute régulation européenne des prix en 1992).

Tant et si bien que nos agriculteurs, jadis 4 millions dans le pays, sont aujourd'hui menacés d'extinction.

La moitié des 400 000 exploitants survivants à ces politiques partira à la retraite dans moins de dix ans. Ainsi, près de 200 000 exploitations, représentant environ un tiers de la surface du territoire national, vont changer de main dans les 10 ans à venir. Au profit de qui ? Ce renouvellement démographique est un véritable un tournant historique car il interroge sur la pertinence d'un ce modèle vieux de 70 ans qui atteint aujourd'hui ses limites.

La grande majorité des agriculteurs ne tire pas un revenu suffisant de son activité, l'utilisation massive de l'agro-chimie a tué la biodiversité (75% de la biomasse des insectes, 66% des oiseaux) , a et empoissonné les masses d'eau, les riverains et les agriculteurs eux-mêmes. Quant aux sols agricoles, utilisés comme simple substrat inerte, ils sont massivement stériles, toute microfaune ayant été anéantie par les pesticides . Ce renouvellement démographique nous contraint désormais à choisir le cap qui guidera notre modèle agricole pour les prochaines décennies.

En refusant d'opérer la bifurcation avec une Loi d'orientation agricole vide et obsolète, le gouvernement Macron a choisit son cap.

Celui de l'aggravation de cette trajectoire délétère : les paysans partent à la retraite sans être remplacés, les fermes s'agrandissent et s'industrialisent (la taille moyenne des fermes est passée en 50 ans de 20 ha à 70 ha) l'agriculture familiale et biologique sont menacées de disparition, les candidats à l'installation ne parviennent plus à accéder à la terre et aux peu d'aides existantes et la SAFER ne dispose pas de moyens suffisants pour remplir ses missions de régulation. Certaines mesures prévues dans la loi pourraient même accélérer cette trajectoire inquiétante. Le président national de la SAFER a alerté sur la création de "groupements fonciers agricoles d'investissement" (GFAI) qui risquent de favoriser la spéculation et la financiarisation du foncier agricole, « comme en Angleterre, où des sociétés d’investissement placent un gérant, pour exploiter une ferme, aidé de salariés agricoles… ».

L'objectif inavoué du gouvernement et de la direction de la FNSEA, c'est la consécration d'un modèle agro-industriel reposant à terme sur moins de 100 000 exploitations agricoles et des salariés dépourvus d'autonomie et de droits, travaillant pour des groupes financiarisés faisant main basse sur les terres, nos biens communs (à coup de méga bassines), et sur l'ensemble des filières, de l'amont à l'aval.

Il planifie la concentration des terres et la course à l’agrandissement qui entérinera la désertification de nos campagnes et la destruction de notre environnement.

Preuve de ce projet funeste, notre pays ne se dote pas des moyens de formation indispensables : 200 000 agriculteurs partiront en retraite d'ici 8 ans, et nous sommes à peine capable d'en former 13 000/an. Ces chiffres sont l'aveu de la trajectoire poursuivie : accompagner voire accélérer la baisse continue du nombre d'agriculteurs. La FNSEA propose même, toute honte bue, un plan social pour l'agriculture française. Elle est à ma connaissance le seul syndicat professionnel qui milite sans relâche pour la disparition de ses propres adhérents ...

Ce renouvellement démographique représente pourtant une opportunité majeure pour notre pays. À la France insoumise-NUPES, nous défendons une politique à la hauteur de l'urgence : un "nouveau plan Pisani" pour l'agroécologie.

Nous présentons un contre-projet pour planifier la transition écologique de notre agriculture en créant massivement des emplois qui ont du sens, non délocalisables, dans des conditions de rémunération dignes sur des projets agroécologiques répondant à nos besoins alimentaires. Nous défendons la création d'au moins 300 000 nouveaux emplois agricoles, et le remplacement de l'ensemble des départs dès 2025. Nous proposons de former massivement une nouvelle génération d'agriculteurs, avec la création d'au moins 260 nouvelles classes en lycées agricoles publics et le rétablissement de l'ensemble des postes d'enseignants supprimés au cours des dernières années sur fond d'austérité budgétaire.

Sur l'agriculture comme pour l'ensemble des autres thématiques, Macron défend une politique conservatrice et anachronique, à l'heure de l'urgence écologique et d'une crise agricole profonde et non résolue.

Nous sommes l'alternative.

Loïc Prud'homme est député France Insoumise de la Gironde pour les communes de Bègles, Bordeaux Sud, Talence et Villenave-d'Ornon. Résolument engagé en faveur de la règle verte et de la transition écologique de notre société il siège à l'Assemblée nationale au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Retrouvez sur ce site internet son travail dans l'hémicycle et en circonscription en faveur des services publics, de l'emploi local, de la justice sociale et de la transition écologique.

© Copyright 2024 Loïc Prud'homme. Tous droits réservés.

Ce site utilise des cookies afin de vous proposer une meilleure expérience utilisateur.

Vous pouvez les ACCEPTER ou les REFUSER

Découvrez à quoi nous servent les cookies en consultant les Conditions générales d'utilisation