Mercredi 17 novembre après-midi, j’ai manifesté contre la loi de programmation de la recherche (LPR) aux côtés de ceux qui chaque jour font avancer l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) en France: des étudiant.e.s, des profs, des chercheur.e.s, des chargé.e.s de cours, le personnel technique et administratifs et tous leurs soutiens. Cette loi est un rendez-vous manqué avec ce dont l’enseignement supérieur et la recherche a besoin pour pouvoir honorer et être à la hauteur de toutes ces personnes qui dévouent leur vie au progrès scientifique et à l’amélioration de la connaissance universitaires.
La LPR marque encore un peu plus le décalage entre le monde politique et celui de la recherche. Le groupe parlementaire de la France insoumise est vigilant sur le contenu de cette loi depuis son annonce l’hiver dernier et le Conseil économique social et environnemental comme des collectifs de sociétés savantes ont émis de nombreuses critiques quant aux risques que fait courir cette loi sur le monde de la recherche.
Le premier des points qui fait que je ne peux que rejeter cette loi est celui du financement. L'augmentation du budget de la recherche que claironne le gouvernement n'est qu'un trompe l’œil. Les financements alloués sont honteusement en deçà des chiffres demandés par les principaux intéressé, même si ils peuvent à première vue paraître élevés: 25 milliards sur 10 ans avec 357 millions d’Euros pour 2021. Pourtant, les associations avaient évalué les besoins à au moins 1 milliard par an dès l’an prochain. De plus, ce chiffre de 25 milliards, lorsqu’il est étudié en prenant en compte l’inflation et l’évolution naturelle de la masse salariale ne représente plus qu’1 seul milliard.
Deuxièmement cette loi favorise une recherche précarisée. Elle précarise les chercheurs en multipliant les contrats courts et les appels à projet au détriment du financement des structures. Ce système met en danger les conditions de recherches.Les chercheurs perdent un temps précieux dans la recherche de financement et de constitution des dossiers, augmentant mécaniquement au passage la concurrence entre les universités. Cela crée inévitablement un climat de tension dans le monde scientifique, qui a besoin d'émulation, certes, mais aussi et surtout, de coopération.
Troisièmement, cette loi laisse entrer de manière sournoise la fin du statut de fonctionnaire d’État pour les enseignants-chercheurs, menaçant alors l'indépendance et l'avancée de la recherche telle que nous la connaissons actuellement en France. Il s'agit d'un aspect qui parait technique et anodin au départ: la possibilité pour une université d'embaucher de manière discrétionnaire un.e maitres.ses de conférence ou un.e professeur.s sans passer par un étape qui s'appelle "la Qualification". Cette "Qualification" est donnée à chaque personne souhaitant candidater dans les années à venir à un poste d'enseignement (professeur ou maitre de conférence) après l'étude minutieuse de son dossier par le Conseil National des Université (CNU). Bien que des critiques puissent être émise quant à son fonctionnement, c'est un garde fou qui permet valider des exigences minimums pour les dossiers des candidats pouvant se présenter à un concours (nombre d'heures de cours déjà données, publications dans des revus à commité de lecture, projet de recherche etc...). De cette manière, la personne qui est recrutée par l'université est certes la personne dont le profile est le préféré parmi les candidats, mais la solidité de son dossier ne peut être remise en question car elle a été évaluée par une instance nationale. Cela permet d'empêcher l'embauche d'une personne qui n'aurait pas certains prérequis, et donc de prévenir de toute suspicion d'embauche par copinage éhonté. D'un aspect plus statutaire, ces embauches sans la "Qualification" se feront sous le statut de CDI de contrat, version académique du CDI de chantier, et qui n'a rien d'un CDI puisqu'il a bien une date de fin...
Quatrièmement, non content de casser le statut de chercheurs et de plonger la recherche dans la précarisation et la recherche de financement sans fin, la loi prévoit aussi le musèlement de toute contestation à venir. Occuper un amphi pourra être sanctionné par des peines de prison (jusqu’à 3 ans), allant encore un peu plus loin dans sa dérive autoritariste et sécuritaire que l'on voit actuellement avec une autre loi à l'étude cette semaine; la loi "sécurité globale".
Pour finir, le gouvernement de déroge pas à son habitude et alors qu'il aurait pu profiter de cette loi pour remettre en question le très couteux Crédit Impôt Recherche (CIR - 6,3 milliards 2016) dont l'efficacité sur le monde de la recherche n'a toujours pas été démontré, il n'a rien fait en ce sens. Rappelons que le CIR est un cadeau pour les grandes entreprises privées comme Sanofi qui a utilisé le CIR, licencié des employés, tout en gavant leurs actionnaires.
En ce 17 novembre 2020, tout le groupe parlementaire de la France insoumise dont je fais partie s’est fermement opposé- notamment avec une motion de rejet- à cette loi de programmation pour la recherche: précarisante, autoritaire et à contre-sens de l’intérêt de la recherche. Le monde universitaire et de la recherche peut compter sur notre soutien indéfectible face à une ministre de l’ESR qui aurait ignoré jusqu’au bout les propositions et critiques du monde universitaire. Malheureusement, les marcheurs et la droite a voté en masse pour cette loi.
Le dernier volet des discussions aura lieu aujourd'hui vendredi 20 novembre au Sénat.