
Parmi les dispositions les plus dévastatrices de la réforme de la SNCF, qui n’apparaissait pas dans le programme du candidat Macron, figurent la suppression du statut des cheminots, l’ouverture à la concurrence de toutes les lignes de voyageurs et la privatisation à terme de la SNCF.
Ce projet fait de la libre-concurrence une pensée magique, seule capable de résoudre tous les problèmes du transport ferroviaire en France. La SNCF est en réalité malade de la libre concurrence qu’elle a elle-même organisé et des Gouvernements successifs qui l’ont abandonné au profit du routier.
La ministre des Transports Elizabeth Borne par exemple, a été pendant 10 ans à la tête de la stratégie de la SNCF et a employé toute son énergie à préparer l’ouverture à la concurrence en affaiblissant l’entreprise publique pour rendre inéluctable sa privatisation.
A la tribune de l’Assemblée elle désigne les boucs émissaires de la SNCF : les cheminots et leur statut qui serait à lui seul responsable des 50 milliards de dettes. Cette dette est en réalité le résultat de choix politiques délibérés de la part des fossoyeurs de la SNCF : les investissements colossaux dans le tout TGV ont ruiné les comptes de l'entreprise. En parallèle, les réformes menées par Mme Borne ont scindé la SNCF en trois entités distinctes pour faire peser le poids de la dette sur une seule d'entre elle.
Nous avons désormais l'habitude, avec ce Gouvernement, des comptables qui justifient la vente à la découpe des biens publics sous le prétexte de l'endettement. Mais il y a une dette dont le Gouvernement se moque éperdument: c'est la dette écologique. Dans le discours de la ministre, pas l’ombre d’une considération environnementale : alors que son projet de loi comporte 86 fois le mot concurrence, on n’y trouve pas trace des mots biodiversité ou climat. Quant à Nicolas Hulot il a été totalement absent des débats, c'est à se demander si nous avons encore un ministre de l'écologie ! Leur vision du transport ferroviaire est tellement archaïque qu'elle ne tient même pas compte de l'urgence écologique.
Lors de mon explication de vote à la tribune j’ai retracé les arguments de notre groupe parlementaire pour s’opposer à ce projet mais aussi notre vision du transport ferroviaire au service de l’aménagement du territoire et de la transition écologique.
Alors que les discussions se cristallisaient autour de la prétendue dette insurmontable, que les Gouvernements et dirigeants successifs ont pourtant fait en sorte de laisser courir, j'ai défendu un amendement pour encadrer les rémunérations des hauts dirigeants de la SNCF, une mesure bizarrement absente du projet de loi du Gouvernement qui cherche pourtant à faire des économies...
Une partie des discussions en séance a tourné autour du destin du fret ferroviaire français. Pendant que nous débattons dans l'hémicycle, le Gouvernement, conjointement avec la SNCF a confirmé que la filialisation et donc la privatisation de Fret SNCF aurait bien lieu en 2020.
En 30 ans, le transport de marchandises par train s’est effondré, passant de 30% à 10% du volume total. L’ouverture à la concurrence en 2006 n’a fait qu’accélérer le démantèlement du fret. Les entreprises privées sont venues prendre des parts de marché à Fret SNCF mais sans jamais verser un centime pour financer tout le réseau. La SNCF a alors préféré investir dans sa filiale Géodis, premier transporteur routier français.
La majorité des gares de fret ferroviaire, dont celle d’Hourcade située à Bègles et Villenave d'Ornon, tournedonc aujourd’hui au ralenti faute d’investissement et de la concurrence avec le transport routier. Ce transport routier ne paye pas les coûts réels de son activité (pollution de l’air, embouteillages, accidents…) et reste subventionné par l’État 7 fois plus que le rail.
Alors que l’ouverture à la concurrence s’appliquera dès 2020 à toutes les lignes de voyageurs, l’exemple de Fret SNCF devrait suffire à nous vacciner de toute tentation de libéralisation dans le domaine des transports.
Après plus d’une semaine de débat, la Ministre est toujours incapable de nous expliquer comment sa réforme fera mieux rouler les trains. Tous les arguments pour justifier l’ouverture à la concurrence et la suppression du statut de cheminots, nous les avons démonté un à un.
Le poids de la dette ? Il suffit de réunir les trois établissements (SNCF, Réseau et Mobilités) en une seule entreprise publique comme c’était le cas auparavant et la SNCF repart sur les rails avec 3 milliards d’actifs. Le statut des cheminots ? Il est la garantie d’un travail bien fait et de la sécurité de tous les voyageurs. La vétusté des lignes et le retard des trains ? La fusion en un seul pôle public permettra de mieux gérer les infrastructures et le matériel roulant.
Il faut investir dans notre service public seul à même de garantir un maillage fin du territoire et des tarifs accessibles pour un transport ferroviaire pivot de la transition écologique !
En bonus un petit cours de mécanique que j'ai donné à Monsieur Charles-Amédée du Buisson de Courson en plein hémicycle, mais pas facile de ramener sur terre un adorateur de la main magique du marché !
Retrouvez mon audition de Guillaume Pépy et Patrick Jeantet en commission du Développement Durable.
Ma question au Gouvernement sur le partenariat public-privé pour la LGV Bordeaux Tour
Ici le projet de loi "Pour un nouveau pacte ferroviaire"
Ici le scrutin public de la 1ère lecture le mardi 17 avril]
Le livret transport qui regroupe toutes les proposition de la France Insoumise
Ma question écrite au Gouvernement sur l'avenir du Fret Ferroviaire